Prédication du 15 décembre 2024

Tapisserie de Noël ?

Vous avez sans doute déjà vu les grandes tapisseries qu’on trouve dans les châteaux, ou dans les musées.

La tapisserie de Bayeux, ou encore la tapisserie de l’Apocalypse, qu’on trouve à Angers, sont de vrais trésors.

C’est beau, hein. Mais si vous retournez une tapisserie, qu’est-ce que vous voyez ? Eeeeerk, c’est vraiment moche.

Ça ressemble à rien. C’est plein de nœuds et de fils qui dépassent. Bizarrement, c’est en faisant ces trucs moches, là, qu’on obtient des trucs beaux comme ça. Étonnant, non ?

 

Dans la lecture que j’ai sélectionnée pour vous aujourd’hui, on entend qu’un grand roi va venir.

On entend que c’est quelqu’un de très important : il est le roi des Juifs, tout le monde est troublé à l’idée que ça y est, le grand roi d’Israël va naître et on attend un grand chef.

Et comme moi, vous savez que tous les personnages importants de ce monde, tous les grands chefs des peuples, les rois et les reines, les empereurs, les présidents même, tous ces gens naissent dans des lieux privilégiés.

On n’imagine pas un pauvre être couronné. C’est pas Carnaval, on est dans la vraie vie, là.

Et si ce sont les gens riches qui règnent, ce n’est pas un hasard : quand on n’est pas bien nés, on n’est pas reconnu comme étant compétent.

Il faut être bien né. Et Jésus est très bien né, puisque sa naissance se produit dans un palais royal.

Non ? Dans un temple, pardon. Non ? Mais alors, où est-ce qu’il naît, ce roi-messie ? Ah oui, où avais-je la tête ! Il naît dans une étable. Mouais.

C’est pas très glorieux tout ça. C’est pas digne d’un roi. Avec une naissance pareille, c’est pas sûr qu’on veuille de lui comme roi.

 

Bon, ce qui peut rattraper la situation, c’est sa lignée. Ben oui, les rois, c’est tous des « fils de… ».

Par exemple, le roi Salomon, c’était le fils du roi David. Le roi Hérode, celui qui est dans le texte, c’est le fils de Hérode le Grand. Louis XIV, c’est le fils de Louis XIII.

Il faut, pour être un roi digne de ce nom, être le fils de quelqu’un de connu et de puissant.

Et quand on nous raconte la naissance de Jésus on nous parle de ses parents, qui sont très connus et très puissants, à l’époque.

On apprend que Jésus est le fils de César. Non ? Ah non, je suis bête, il est le fils de Auguste ! Non ? Mais alors, qui c’est son père, à Jésus ? Ah… Joseph.

Ce n’est pas arrangeant. Bon, vous me direz, quand on remonte la généalogie on trouve le roi David.

Et puis, au tout début de la généalogie, on trouve Dieu. D’ailleurs, il dira lui-même que Dieu, c’est son père.

Donc voilà, qui de plus grand que Dieu, hein ?

Bon, mais j’ai peur que cet argument ne soit pas pris au sérieux par les gens qui ne veulent pas de Jésus pour roi.

 

Plus tard, ce Jésus n’a pas vraiment montré les qualités qu’on attend des rois.

Il refuse de prendre le pouvoir, il demande aux gens de se défaire de leurs possessions pour les donner aux pauvres, il dit qu’il faut tendre l’autre joue, qu’il faut aimer ses ennemis, que quand on donne, il faut que personne ne le sache, qu’il faut pardonner, etc., etc.

Tout l’inverse de ce qu’on attend d’un roi. Vraiment, on dirait qu’il le fait exprès !

J’ai même trouvé un passage qui dit : « Jésus savait que la foule allait venir l’enlever de force pour le faire roi. Il se retira donc sur la montagne, tout seul ». Je crois qu’il ne voulait pas être roi, tout simplement.

 

Vous connaissez la fin de l’histoire.

Jésus va devenir roi. Un roi bien particulier, mais bon.

D’abord, il se fait arrêter. A mes yeux, un roi devrait avoir un casier judiciaire vierge, mais passons.

Il se fait arrêter et il comparaît devant Pilate, qui lui demande : « Est-ce toi le roi des Juifs ? » On dirait que Pilate a un doute.

Et Jésus répond : « C’est toi qui le dis ».

Alors après bien des hésitations, Pilate condamne Jésus à la mort, et sur la croix qu’il fait dresser pour lui, il écrit le motif de sa condamnation : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs ». Jésus est un roi, à sa façon.

Un roi sans gloire, aux yeux des êtres humains.

Un roi pauvre et nu. Un roi souffrant. Un roi qui n’a pas eu le pouvoir de délivrer son peuple.

 

Ouh là là Lionel, elle est bizarre ta prédication de Noël.

On n’est pas venu pour ça nous, on venait pour que tu nous mettes un peu de baume au cœur !

Oui, ben attendez hein, c’est pas fini. Comme ça, c’est vrai, on a l’impression que tout est sombre et que Jésus est le symbole d’un échec monumental.

Mais c’est parce que vous regardez la tapisserie à l’envers ! Remettez-la à l’endroit, et qu’est-ce que vous voyez ?

 

Quand Jésus est né, lui le roi choisi par Dieu, il a rejoint les plus petits d’entre nous.

Ça n’exclut pas les grands, hein, mais ça veut dire que personne n’est exclu de son règne, et que les plus pauvres sont aussi dignes que les autres de recevoir l’amour de Dieu.

Et c’est pour ça que Jésus n’a pas cessé de dire qu’il fallait partager nos richesses : il veut montrer que devant Dieu, nous sommes égales et égaux, et que ça doit se manifester concrètement dans nos vies.

Personne ne devrait souffrir d’être pauvre. Jésus a des parents qui sont presque insignifiants au regard du monde.

Ça veut dire que même quand on est mal nés, on est importants aux yeux de Dieu. Même si on est né dans une ville totalement insignifiante.

Et puis il a prêché l’amour, le pardon, il a dit qu’il ne fallait pas dominer les autres, mais plutôt les respecter et leur faire confiance.

Alors c’est sûr qu’un roi, dans notre monde, ne ferait jamais ça, mais Jésus, lui, montrait qu’il était possible de vivre autrement.

De rejeter les valeurs de ce monde pour y laisser passer le souffle de la vie. Le souffle de l’Esprit. Il montrait que l’économie ne servait à rien si elle n’était pas mise au service des plus petits.

Que le pouvoir était une illusion, parce que seule comptait le service. Que Dieu aimait tout le monde, et pas seulement ceux qui étalaient leurs bonnes actions.

Et tant d’autres choses qui allaient à l’encontre des valeurs sociales. Jésus invitait à être vraiment spirituels, c’est-à-dire à changer le monde en commençant par changer soi-même.

C’est ça que ça veut dire, se convertir. Changer de comportement.

Et à cause de son message, il a été mis à mort. Parce que personne ne veut vraiment se convertir. C’est trop exigeant.

 

Mais sa mise à mort, ce n’est pas la fin.

Il a été relevé par Dieu.

Il a vécu tellement imprégné de l’Esprit de Dieu qu’on a vu en lui l’image même de Dieu.

Et au fil du temps, on a reconnu qu’il était vraiment un roi.

Un roi différent des autres.

Un roi vraiment digne d’être roi.

Un roi qui n’exerce pas sa puissance, mais qui exerce l’amour.

Un roi qui attend patiemment qu’on veuille bien comprendre.

Un roi qui nous aide à avancer sur notre chemin.

Un roi qui ne cherche pas à s’imposer. La bonne nouvelle, c’est que ce roi que tout le monde trouve nul, c’est le meilleur roi qu’on puisse espérer avoir.

 

C’est le grand roi de tout l’univers, qui aime tous les êtres vivants et qui veut que nous apprenions à vivre en paix.

Et je crois que c’est ce que le roi Hérode a perçu, quand les mages sont venus lui parler de la naissance de l’enfant.

Et je crois qu’il n’a pas voulu qu’un roi comme ça diffuse son message.

Et je crois aussi que les mages ont perçu ces choses, et que c’est la raison pour laquelle ils sont venus l’adorer, en lui offrant de l’or, de l’encens et de la myrrhe.

Et je crois que c’est pour ça que nous, nous reconnaissons Jésus le Christ comme le grand roi de nos vies.

 

Amen.