J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi
Tirées de leur contexte, les trois brèves affirmations de ce célèbre verset pourraient paraître comme le discours d’un homme prétentieux et vaniteux qui se décerne des louanges de son vivant, sans attendre son éloge funèbre.
Mais les versets qui précèdent comme ceux qui suivent éclairent la déclaration de Paul : c’est en fait une véritable profession de foi, celle d’un homme qui va prochainement mourir et qui le sait (« Je vais être immolé et le temps de mon départ est arrivé.»).
Paul s’adresse ensuite à ceux qui lui emboîteront le pas en bons soldats du Christ Jésus auxquels le Seigneur donnera comme à lui-même la couronne de justice.
Ces versets résonnent donc aussi comme une sorte de testament.
Ils ont été largement commentés.
Pourquoi les ai-je choisis ?
Pour tout vous dire, ce sont les Jeux olympiques 2024 de Paris, leur célébration et tout leur cérémonial qui m’ont un jour de cet été remis en mémoire ce verset 7 de la seconde lettre à Timothée et donné l’idée de la prédication de ce matin.
J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.
Ce qui m’intéresse aujourd’hui est tout d’abord la formulation de ce verset, plus précisément le vocabulaire de Paul, et en même temps tout ce à quoi il renvoie.
Ce verset évoque le combat, puis la course. Plusieurs parallèles viennent à l’esprit.
Pour mémoire je rappellerai que Timothée à qui Paul écrit est un disciple de longue date qu’il a choisi pour l’accompagner lors de son deuxième voyage, un collaborateur efficace qui l’a aidé de façon décisive à Corinthe, appelé par lui « mon véritable enfant dans la foi » (I Timothée I 2).
Par ailleurs il semble que cette lettre ait été écrite par Paul lors de la persécution de Néron, pendant sa seconde captivité juste avant son martyre en l’an 67.
La formulation, le vocabulaire
Qui n’a été frappé lors des deniers Jeux de Paris du vocabulaire utilisé par les organisateurs et de la liturgie quasi religieuse qui a présidé aux cérémonies : une cérémonie pour l’ouverture et la clôture, tout un cérémonial dans les défilés avec les drapeaux des pays participants, tout le symbolisme institutionnel créé au fur et à mesure depuis la reprise des Jeux olympiques à Athènes en 1896 après 2000 ans d’interruption depuis la Grèce antique, précisément depuis le IVème siècle avt J-C puis à Paris en 1924 ?
Il s’agit d’un rituel païen, au nom du sport érigé en valeur universelle. La solennité du moment est palpable, il règne une sorte de ferveur spirituelle, l’enthousiasme (étymologiquement Dieu en soi) anime chaque athlète, chaque participant, spectateur, volontaire, commentateur, tous sont réunis dans une forme de communion célébrée.
Voici un extrait du message étonnant en date du 25 juillet 2024 du Pasteur KRIEGER, Président de la Fédération Protestante de France : le sport a tout d’une religion avec ses dieux et ses démons, nous disent les sociologues. Le sport est profondément spirituel… ou encore le sport est un lieu de spiritualité, ce qui explique que la FPF ait organisé une aumônerie protestante dans le village olympique pour accompagner les athlètes aussi bien que les sportifs du dimanche.
Paul a participé vraisemblablement aux Jeux de Corinthe. En témoignent
I Corinthiens le chapitre IX 21-27, et surtout le verset 24 :
Ne savez-vous pas que les coureurs dans le stade courent tous mais qu’un seul gagne le prix ? Courez donc de manière à le remporter.
Il y a donc bien des liens dans l’esprit de Paul entre la foi et le sport, ceux de la fraternité, de la paix – à preuve la colombe qui figure dans le symbole olympique.
Christ a gagné, c’est notre vie qu’il a gagnée.
Ne peut-on dire comme je l’ai entendu prêcher à la Cathédrale américaine le 21 juillet, que le Saint-Esprit est notre entraîneur, et qu’après chute et rechute la victoire est au bout de la course ?
Et en même temps par un paradoxe incroyable, la compétition individuelle n’est pas contraire à la paix collective, au contraire elle la suscite et chacun ressent dans le fait d’être ensemble comme un moment de trêve et de paix, cette trêve ekeceria qui tous les quatre ans, dans la Grèce antique, suspendait les guerres et les combats.
Fraternité dans la compétition, tel est l’esprit olympique, dépassement de soi et selon la devise olympique Citius, Altius Fortius – plus vite, plus haut, plus fort, devise créée par le Père dominicain Henri Didon pour les Jeux de 1896 imaginés par Pierre de Coubertin auquel il avait déclaré : Ce qui doit guider dans la vie, c’est l’ambition. Quand tu dois sauter 3 m, pense que tu vas en sauter 5.
Voilà bien un propos qu’aurait pu tenir l’apôtre Paul, toujours à la recherche du plus, et pas seulement dans la course mais aussi dans les combats qu’il a menés.
La course et le combat sont indissociables chez Paul.
J’ai combattu le bon combat. J’ai achevé ma course.
Le combat : c’est la souffrance de toute une vie, celle du bon soldat du Christ Jésus citée dans II Timothée II 2-5, mais aussi celle de chaque instant de sa vie depuis sa conversion sur le chemin de Damas, son combat pour l’annonce de l’évangile et la conversion du plus grand nombre en Palestine, puis en Asie Mineure, puis en Grèce, puis à Rome, dans l’esprit de la Pentecôte.
L’achèvement de la course, telle celle de l’athlète, c’est l’accomplissement de la vie, de toute une vie, vie qu’il a donnée au Christ en sacrifice (spendomai), ce sont toutes les épreuves qu’il a surmontées depuis le chemin de Damas, la fatigue des nombreux voyages en Asie, en Grèce, puis jusqu’à Rome, 4 voyages au total et des milliers de km à pied, une lapidation, trois flagellations, un emprisonnement en Thessalonique, une captivité à Rome sans compter les tribulations à venir qu’il pressent- sa crucifixion) tous ses échecs et tous ses succès dans l’évangélisation, tous les conflits avec les Juifs puis avec les païens et les non-Juifs, la persécution par les Juifs parce qu’il prêchait l’ouverture vers les non-Juifs et par les non-Juifs parce qu’il était Juif.
La foi m’a guidé.
La foi : celle qu’il a gardée et qui a été son guide,
dans la fidélité au guide (foi et fidélité ont la même racine latine fides = foi, confiance), celle des hommes fidèles exprimée dans Timothée II -II 2
Au reste la couronne de justice m’est réservée (ibidem), couronne réservée au vainqueur olympique, mais aussi couronne de justice donnée à Paul comme à tous ceux qui auront aimé l’apparition du Seigneur par le Juge des deniers temps.
Un dernier mot à propos de la formulation de ce triptyque « j’ai combattu, j’ai achevé, j’ai gardé ».
En effet la langue grecque dans laquelle est écrite le Nouveau testament recèle des beautés que je voudrais vous faire partager.
Un peu de grammaire et de linguistique pour vous éclairer : les trois verbes utilisés par Paul sont déclinés au parfait grec. Ce n’est pas anodin.
Le parfait grec a une force et une signification particulières. Il a plus une valeur d’aspect que de temps, le parfait grec signifie l’accomplissement, l’achèvement.
Mais il va plus loin encore : il dit que l’action est advenue dans le passé et que ses effets se prolongent dans le présent.
Quand Paul dit J’ai combattu le bon combat aigonismai, il ne dit pas seulement : j’ai fini de mener le combat, il dit aussi que ce combat a encore ses effets à présent et qu’il en aura encore dans l’avenir.
Quand il dit J’ai achevé ma course teteleka, il ne dit pas seulement : j’ai fini ma course il dit aussi que cette course a encore ses effets à présent et qu’elle en aura encore dans l’avenir.
Quand Paul dit La foi m’a guidé tetereka, il ne dit pas seulement : la foi a fini de ma guider, il dit aussi que la foi produit encore ses effets à présent:ais qu’elle en aura encore dans l’avenir.
Autrement dit, Paul croit à la transmission de son message apostolique et à sa survivance après sa mort.
Et pour nous aujourd’hui que dit ce verset ?
C’est l’exhortation suprême de Paul à tous les vivants.
Que nous dit Paul ?
Il nous livre un exemple de vie, de lutte, de résistance et de courage.
Il nous donne un exemple de souffle, celui du marathonien, de l’athlète qui va jusqu’au bout de ses forces et de sa course.
Il illustre par sa vie ce qu’est l’action qui transcende et exalte.
Il a gardé la foi envers et contre tout, par delà toutes les tribulations vécues.
Il nous transmet la foi comme un héritage.
Il nous appelle à la vie intérieure tournée vers Dieu.
Conclusion
Quel beau verset !
Même traduit en français, le texte grec est poétique et rythmé :
un octosyllabe (8 syllabes) J’ai combattu le bon combat,
suivi d’un hexasyllabe (6 syllabes) J’ai achevé ma course,
et qui se clôt d’un pentasyllabe (5 syllabes) La foi m’a guidé.
Des paroles non d’autosatisfaction mais un bilan. Paul au soir de sa vie qu’il sait devoir prochainement finir dans la souffrance, regarde le chemin parcouru.
Il en tire des enseignements et se soucie de transmettre ce qui l’a fait vivre depuis sa conversion.
Implicitement il appelle à la conversion, celle qu’il a connue sur le chemin de Damas et qui l’a guidée tout au long de sa vie.
Loin de se plaindre et tout aussi éloigné de se glorifier, il se projette vers l’avenir et pense à ceux qui suivront, à ceux qui le suivront dans l’amour de Jésus.
Il leur demande, il nous demande de le suivre pour recevoir comme lui la couronne de justice, persuadé qu’au-delà des épreuves et des tribulations de la vie, c’est la foi et l’amour du Seigneur qui importent d’abord et que Dieu est toujours là qui nous aide et nous protège, du moment que nous le lui demandons et lui donnons sa place dans nos vies.
Il nous appelle à la fidélité, il exhorte à la foi qui guide et entraîne.
Message de vie et d’action au soir de la vie vers la lumière qui éclaire le chemin parcouru mais aussi celle qui embrase le chemin qui s’offre à chacun d’entre nous, aujourd’hui et demain.
PRIÈRE
Seigneur, aide-nous à emboîter le pas de Paul.
A sa suite donne-nous le courage de lutter, accorde-nous la ténacité dans la course.
Guide-nous dans la foi et dans la fidélité.
Toi qui es toujours là pour nous aider et nous protéger quand nous te le demandons,
fais que nous sachions donner ta place dans nos vies.
Éclaire nos chemins d’aujourd’hui et de demain.
Fais-nous avancer vers ta lumière.
Dans le recueil ALLÉLUIA :
Psaume 25 : 1,2,3 A toi, mon Dieu, mon cœur monte
Cantiques : 13-04 : 1 et 2 Debout, resplendis – 46-02 : 1,2,3 Seigneur, accorde-moi d’aimer